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24 novembre 2007 6 24 /11 /novembre /2007 11:56
Les « Promenades parisiennes » de Mihail Sebastian

Ecrivain fétiche de Philip Roth, le Roumain Mihail Sebastian n’est pas, en 2007, un complet inconnu des lecteurs français. Quelques années auparavant, la publication du « Journal » de cet auteur juif né dans le Delta du Danube avait suscité l’intérêt de la critique et la sympathie d’un lectorat avisé : il était bien sur, connu d’après le film « Mona, l’étoile sans nom »(par Henri Colpi), avec Marina Vlady, paru en 1965 et ayant comme source d’inspiration pour le scénario sa pièce de théâtre. Il était aussi le grand ami d’Eliade, et l’ancien élève de la Sorbonne, le Livre de l’Année en Espagne (2003), mais aussi un magnifique malchanceux. Son « Journal » est considéré encore aujourd’hui comme un document d’une grande importance historique, du fait du témoignage de l’antisémitisme de la société roumaine de l’époque, de la rhinocerisation (lisez fascisation, attraction forcée vers la doctrine fasciste) de grands écrivains roumains.

Tour à tour, dans sa vie il allait perdre dans le train le manuscrit de « Accident », son roman, ainsi que de ses « Promenades parisiennes », manuscrit volé. A la clef, chaque fois, un énorme travail d’écriture à base de souvenirs. La chance ou le destin, fil rouge dans ses œuvres – théâtrales, journalistiques, narratives – et jusque dans sa vie : il meurt à 38 ans, tué par un camion soviétique, à Bucarest.

Pour celui qui se rappelle encore le petit livre écrit jadis par Hemingway, « Paris est une fête », la lecture des « promenades parisiennes » de Mihail Sebastian aura l’effet d’une madeleine de Proust, savant mécanisme miraculeux. L’œil avisé surprend les nuances, les regards attendrissant nous font découvrir une autre image de notre quotidien. Le métro n’est plus un simple moyen de transport mais un personnage à mille facettes, qui permet de découvrir « qu’à Paris changer de quartier signifie changer de continent ».  Pour Sebastian, le métro parisien fut une découverte, Paris lui même fut un exil volontaire : «  Vivre à Paris pendant deux ans signifie être absent de l’Europe pendant deux ans ».

Promeneur solitaire sans être malheureux, Sebastian transporte en mots parfois une idée, parfois un état d’esprit, comme dans « La cité universitaire », endroit mystique et mythique faisant partie d’une équation sans faille : « La France connaît ses comptes, écrit Mihail Sebastian. Elle sait que deux cents jeunes qui travaillent à leur guises sauront donner dix, cinq ou deux hommes de grande valeur. Mais que sur mille jeunes vivant dans la misère, sans libertés personnelles, sans livres, sans cahiers et surtout sans moments de solitude, ceux qui autrement auraient pu percer auront beaucoup de mal à le faire ».

Les récits faisant partie de ce recueil inédit en France incitent à garder ce livre à portée de main et pas très loin du cœur. Mihail Sebastian était un amoureux inconditionnel de Paris, dans la traduction esquisse d’Alain Paruit ses mots, ses choix semblent tellement proches qu’on se demande comment c’est possible qu’un tel livre soit écrit par un étranger.  Peut être qu’on a justement besoin parfois de s’éloigner un peu afin de mieux reconnaître ce qui nous appartient.

Iulia BADEA-GUERITÉE

* « Promenades parisiennes », Editions L’Herne, 2007,  9,50 euros, et aussi « Théâtre » et « Femmes »

* UNESCO et l’Institut Culturel Roumain organisent un colloque international samedi, 24 novembre 2007, entre 15h – 19h,  à son siège de Paris, salle Cercle des Délégués, 1 rue de Miolis, 75015, métro Cambronne . Entrée libre.





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